Colonie Esperance le 5 septembre 1876
Cher Frère,
Je réponds à la lettre que je viens de recevoir le 4 septembre par laquelle tu me dis que tu étais sur le point de m’envoyer l’argent de ma cote part, que tu as voulu m’acheter. Pour cette chose j’ai sacrifié 42 francs pour t’envoyer la procuration et d’après ta réponse me fait croire qu’elle est perdue ou peut-être négligée dans un coin. Donc je ne suis guères disposé d’en refaire une autre, vu que l’argent est si rare dans ce moment. Plus que cela, entre frères tu me connais. Je ne suis pas un homme de deux paroles. Ce que j’ai dit c’est dit. Donc tu n’as qu’à te fier à moi et faire comme tu croiras le mieux. Si peut être ton idée a changé et la procure soit réellement perdue, tu connais Mᵣ Joseph Maxit de la Chapelle qu’il a eu l’intention de m’acheter ce terrain. Tu ne risquerais rien de lui en reparler et qu’il tâche de m’envoyer l’argent au plutôt possible. Tu t’arrangeras du mien avec lui comme si c’était moi-même, car si j’avais reçu mon argent plus tôt j’en aurais tiré un bon parti vu que la banque était fermée et que j’aurais pu gagner le double en me servant de cet argent pour marchander et revendre du bois à bruler pour les moulins à vapeur.
Sois assuré cher frère que aussitôt que j’aurai reçu mon argent, soit d’un côté soit d’un autre, je vous enverrai le reçu avant de finir. Si cela te donne de grands embarras, laisse-le comme il est
et un jour que je serai disposé, je m’en irai revoir mon pays pour régler mes affaires. Quant
au reste je n’ai pas grand-chose à te dire, que je marche tranquillement mon train et ma santé est bonne, grâce à Dieu et je souhaite que la tienne en soit de même. Mes enfants se portent bien tous. Reçois les salutations de ton dévoué frère.
François Dutruel
P.S. J’ai reçu il y a quelques temps de l’argent de ma femme défunte. Qu’il ne m’a couté que 18 frs de frais et que la somme était plus conséquente
François Dutruel
